17 mars 2022

La municipalité complice de l'abandon du Service Public de La Poste

Lors de sa séance du 17 février dernier, le conseil municipal a décidé de brader l'immeuble de La Poste et d'abandonner le Service Public Postal à Orgelet. Comment ce désastre a-t-il été rendu possible ?

L’idéologie du profit contre l’intérêt des citoyens

Depuis 40 ans, la Commission Européenne applique la doctrine mortifère de la "concurrence libre et non faussée" en exigeant la privatisation de nombreux Services Publics. Télécommunications, Chemins de Fer, Électricité, Poste ont été "déréglementés" au profit de la "main invisible" du marché, attisant l'appétit frénétique de la spécultation boursière.

La ruralité subit les conséquences de cette politique ultralibérale : dans nos zones jugées peu rentables, les entreprises publiques, soumises à la logique de la concurrence, ont abandonné les principes d'égalité d'accès et de continuité du Service Public.

Destruction des services publics au profit de la Bourse

La Poste, un Service Public qui s'est éparpillé au lieu de se concentrer

Par ailleurs, face à la diminution du volume de courrier, La Poste a cherché à diversifier ses activités, de manière confuse. La direction de La Poste a multiplié des initiatives aussi opportunistes que ridicules : les agents se sont transformés en examinateurs du permis de conduire, en aide à domicile et porteurs de repas ou de médicaments, doublonnant inutilement l'activité de l'ADMR. La Poste s'est improvisée opérateur de téléphonie mobile virtuel utilisant l'infrastructure du réseau SFR, concurrent d'Orange autrefois France Telecom, qui était dans le giron de La Poste, au temps où les P.T.T. étaient une administration publique de qualité !

La Cour des Comptes n'a pas manqué de critiquer ces diversifications hasardeuses.
Comme la chèvre de Mr Seguin qui croyait que l'herbe était plus verte ailleurs, les dirigeants de La Poste se sont fourvoyés en écoutant les sirènes du marketing au lieu de suivre le précepte fondamental de la stratégie d'entreprise : viser avant toute chose l'excellence dans son coeur de métier.

La Poste n'assure plus ses services élémentaires

Une dégradation volontaire du Service Public Postal

Les conséquences de ce management erratique ont rapidement produit leurs effets : malgré la compensation par l'État du déficit du service universel postal, la qualité du service s'est dégradée, au même rythme que grandit le malaise social chez les agents.

On peut même se demander jusqu'à quel point il ne s'agit pas d'une volonté délibérée de saborder le Service Public pour mieux faire avaler la pilule de la privatisation, comme c'est le cas avec d'autres entreprises publiques (SNCF, EDF).

Dézingage du Service Public

A Orgelet, cette dégradation s'est manifestée par la suppression du distributeur de billets, par des tournées des facteurs de plus en plus tardives et par des horaires d'ouverture chaotiques du guichet.

Chantage et mauvaise foi pour la création d'une agence postale communale

Depuis des mois, la direction de La Poste exerce une pression sur la municipalité pour remplacer le bureau de poste d'Orgelet par une agence postale communale. Le but de La Poste est simple : faire des économies en remplaçant les agents de La Poste par des agents municipaux.

 

Suppression du distributeur de billets

 

Pour atteindre cet objectif, la direction de La Poste a sciemment dégradé le Service Public à Orgelet, et exprime sans état d'âme qu'elle pourrait faire pire si la Commune n'accepte pas la création d'une agence postale communale. Pour justifier cette menace, la direction de La Poste a osé présenter des statistiques montrant une baisse de la fréquentation entre 2019 et 2020, occultant les confinements dûs à la pandémie. En s'enfermant dans le cercle vicieux "moins il y a de fréquentation, moins on ouvre le guichet, donc moins il y a de fréquentation", La Poste abandonne les zones rurales à leur sort. 

Pour faire accepter la création d'une agence postale communale, La Poste fait miroiter aux élus des indemnités pour la mise en place et le fonctionnement de ce service. La Poste cherche à précipiter les prises de décisions en faisant croire aux élus qu'il faut profiter du contrat de présence postale actuel qui pourrait ne pas être renouvelé dans les prochaines années.

Mais chacun sait que ces indemnités ne couvriront pas totalement les frais de fonctionnement du service, et ce sont les impôts des Orgelétains qui financeront le guichet pour les habitants des communes avoisinantes. Car, il ne faut pas se leurrer, la commune devra augmenter sa masse salariale en recrutant du personnel afin d'assurer cette nouvelle mission, avec toute la difficulté d'encadrer des agents manipulant de l'argent, alors qu'il n'en ont théoriquement pas le droit !

Malgré l'opposition véhémente de certains élus, le conseil municipal a enteriné la fermeture du bureau de Poste d'Orgelet, en acceptant la création d'une agence postale communale. Pourtant résister à cette logique était possible, comme le montre l'exemple de la commune de Fraisses dans la Loire qui a maintenu son bureau de Poste.

Le scandale de la vente du bâtiment de La Poste

La voracité des dirigeants de la Poste ne se limite pas au profit qu'elle va réaliser en réduisant son personnel. Encore faut-il qu'ils dépouillent également la commune de son bureau de Poste.
En effet, le bâtiment situé place du colonel Varroz avait été construit en 1910 par la commune d'Orgelet. En 1960, avec l'installation de cabines téléphoniques, il fallait agrandir le bureau de Poste. La  commune avait alors mis à disposition le bâtiment pour l'administration des P.T.T. en signant une convention qui stipule que si La Poste abandonne son activité, le bâtiment reviendrait à la Commune.

Avec la création d'une agence postale communale, on serait donc en droit d'attendre que la commune récupère son bien. Que Nenni !
Arguant le fait que les facteurs vont continuer d'assurer le service de distribution du courrier, grâce au quai situé à l'arrière, La Poste considère qu'elle peut vendre le bâtiment avec comme acquéreur potentiel la communauté de communes. Les Orgelétains vont donc payer pour un bâtiment qu'il leur appartient déjà !

Malgré l'opposition acharnée de certains conseillers, cette spoliation pure et simple a été entérinée par le conseil municipal qui semble ne pas être conscient de l'arnaque.

 


La gestion calamiteuse de ce dossier par le Maire et ses adjoints montre une fois de plus qu'ils ne sont guidés ni par l'intérêt général, ni par le souci d'une bonne gestion des deniers publics, mais en plus qu'ils sont incapables de résister aux pressions et à la perfidie des dirigeants d'une entreprise publique en pleine déliquescence.

On notera par ailleurs la fourberie de certains élus, soi-disant de gauche, qui n'ont pas levé le petit doigt pour défendre un Service Public, mais surtout l'incohérence politique du maire, qui, par ces décisions, cautionne la logique ultralibérale qui détruit nos campagnes et qui, par ailleurs, accueille et parainne Jean Lassalle, candidat à l'élection présidentielle, chantre de la ruralité, qui n'avait pas hésité à enfiler un gilet jaune à l'Assemblée Nationale, pour manifester son soutien au mouvement populaire de 2018 qui s'opposait à cette logique.