17 octobre 2021
Lors de la séance du conseil municipal du 14 septembre 2021, l'adjoint aux finances a présenté plusieurs propositions modificatives du budget communal permettant d'engager en cours d'année des dépenses imprévues lors du vote du budget primitif.
C'est à cette occasion que le conseil municipal a appris que le Maire avait décidé de changer plusieurs logiciels utilisés par les agents municipaux, pour une dépense annoncée de plus de 2000 €, en choisissant notamment
Cette décision a été prise, comme souvent par le nouveau Maire, sans l'aval du conseil municipal et sans respecter les règles des marchés publics d'un montant inférieur à 40.000 € :
Lorsque le marché public répond à un besoin dont le montant estimé est inférieur à 40.000 € HT et que l’acheteur décide que le marché sera passé sans publicité ni mise en concurrence préalables, il doit veiller à :
Si personne ne conteste que les logiciels choisis répondent de manière pertinente au besoin des agents municipaux, il n'en est pas de même pour les deux autres critères.
En effet, concernant l'utilisation de l'argent public, ces logiciels sont non seulement très chers, mais en plus la plupart d'entre-eux sont édités par une société multinationale américaine qui pratique l'évasion fiscale.
Par ailleurs, puisque le Maire a décidé de "rajeunir" les logiciels bureautiques, pourquoi ne pas se tourner vers d'autres éditeurs pour éviter de contracter systématiquement avec Microsoft ?
Une des raisons souvent avancée pour continuer à utiliser les logiciels de Microsoft est que les utilisateurs sont "habitués" à cet environnement de travail. Cet argument est fallacieux, puisque chaque nouvelle version, que ce soit Windows ou Microsoft Office, bouleverse tellement "l'expérience utilisateur" qu'il faut autant de temps pour s'adapter à une nouvelle version que pour changer complètement de logiciel, comme le montre le catalogue de formations du Centre de Formation de la Fonction Publique Territoriale.
Un autre mythe parfois avancé est que les logiciels concurrents ne seraient pas "compatibles" pour relire les fichiers enregistrés avec Microsoft Office. Si il est vrai que Microsoft a développé sa propre norme de formats de fichiers, tous les logiciels bureautiques récents sont capables d'ouvrir et d'enregistrer des fichiers utilisant ces formats. Quant aux éventuelles fonctionnalités qui n'existeraient que dans Microsoft Office, elles sont tellement anecdotiques que personne ne les utilise dans un usage ordinaire.
D'aucuns diront qu'il n'y a que quelques geeks pour prôner des solutions alternatives, et que seuls des esprits subversifs et libertaires peuvent croire dans le mouvement du logiciel libre. Il n'en est rien : l'État a pris conscience des dépenses pharaoniques qu'il consacrait à acheter des logiciels pour ses administrations. En 2011, la somme s'élevait à 300 millions d’euros dépensés annuellement en logiciels propriétaires dont 53,9 millions sont allés directement à Microsoft.
Face à cette gabegie, le gouvernement recommande l'usage des logiciels libres au sein de ses administrations depuis 2012.
Une des premières institutions françaises à avoir franchi le pas fut la Gendarmerie Nationale, qui, dès 2005, a abandonné Microsoft Office pour installer Open Office sur ses 70.000 postes, faisant ainsi économiser 2 millions d'euros par an au Ministère de la Défense. Ont ensuite suivi le Ministère des Affaires Étrangères et le Ministère de l'Agriculture.
Au delà des simples outils de bureautique, l'État tient à jour le "Socle Interministériel de Logiciels Libres" qui est un catalogue de plus de 200 références d'applications informatiques open source pour les administrations.
Cet état d'esprit est désormais généralisé avec l'adoption il y a tout juste 5 ans de la Loi pour une République numérique qui prone comme doctrine officielle l'open source et l'open data.
Encore plus radicale, la Direction interministérielle du numérique vient d'interdire le déployement d'Office365 dans les administrations pour des raisons de sécurité nationale.
De nombreuses collectivités locales sont également passées à l'usage des logiciels libres pour leurs agents comme pour leurs élus, et le portail openMairie propose 30 applications spécifiques pour gérer une commune avec des logiciels libres.
Dans ce contexte, comment expliquer le fait qu'une collectivité comme la commune d'Orgelet ne s'oriente pas vers de telles solutions ?
Car les dépenses en terme de logiciel ne se limitent par à la bureautique : en janvier le maire annonçait l'acquisition d'un logiciel de réservation des salles municipales (2280 € TTC et 342 €/an de maintenance), alors qu'il existe des solutions alternatives libres et gratuites comme RAPLA ou GRR.
La question se pose également pour la communauté de communes dont on ne connait pas le budget dédié à l'acquisition de logiciels bureautiques, mais qui, selon nos sources, a dépensé 5487 € HT pour la licence du logiciel Cart@ds avec une maintenance annuelle de 1883,60 € HT, pour informatiser l'instruction des autorisations d'urbanisme, alors que ce service était au préalable exercé par l'État.
Si on peut excuser l'impéritie des élus de la majorité et le manque de formation des agents municipaux en matière informatique, dont chacun sait qu'il s'agit d'un domaine dont l'évolution est fulgurante, on peut regretter qu'ils ne demandent conseils qu'à des institutions comme le SIDEC, qui n'est pas un fervent partisan des logiciels libres, ou pire qu'à des sociétés informatiques qui ont intérêt à revendre des solutions onéreuses aux collectivités.
Une étude menée par l'Union Européenne montre que l'usage les logiciels libres est une tendance de fond qui touche non seulement les collectivités publiques, mais également les entreprises privées et les particuliers.
Cet article est donc également une bonne occasion de recommander aux Orgelétains des logiciels libres pour leur usage personnel :